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Page:Les Ravageurs, Jean-Henri Fabre.djvu/64

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LES RAVAGEURS

sont très nombreux et qu’ils échappent à nos regards peu attentifs. C’est presque toujours à notre insu qu’ils exercent leurs ravages. Quand le mal est fait, on s’en aperçoit ; alors il est trop tard. Que peut ronger un scolyte en sa vie ? Peut-être un morceau de bois gros comme une cerise. Le mal n’est rien pour un orme. Que voulez-vous que lui fassent quelques bouchées de la bestiole, à lui si grand, si fort ! Mais supposez des mille et des mille et puis encore des mille scolytes, et, bouchée par bouchée du tout petit scarabée, le gros arbre y passera.

D’ailleurs les scolytes ne s’établissent pas indifféremment dans toutes les parties du tronc, comme le font les cossus et les zeuzères ; ce sont de fins connaisseurs, qui préfèrent le bois jeune, tendre, plein de suc, au bois vieux, sec, coriace. Il faut vous dire que dans nos arbres il se forme chaque année, immédiatement au-dessous de l’écorce, une nouvelle couche de bois qui enveloppe l’ensemble des couches des années précédentes. Au cœur du tronc est le bois vieux, qui peut dans bien des cas sans inconvénient disparaître, car il sert uniquement de support à l’arbre sans remplir de rôle dans le travail de la vie ; témoins ces vieux saules caverneux, dont l’intérieur est tombé en pourriture, ravagé par les ans et les insectes, et qui cependant sont pleins de vigueur et couverts d’une abondante ramée. À la surface est le bois jeune et vivant, le bois en voie de se former ; là suinte la sève, qui est pour l’arbre ce que le sang est pour nous, c’est-à-dire le liquide nourricier d’où proviennent toutes choses.