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LES SÉRAILS DE LONDRES

Elle perdit son père dans l’âge le plus tendre ; sa mère est revendeuse à la toilette. Miss Butler étoit tous les jours occupée à raccommoder les dentelles, mousselines, gazes, et autres effets que sa mère achetoit d’occasion dans les ventes. Madame Butler, pour se délasser, le soir, des fatigues de son petit négoce, se dédommageoit de son veuvage avec Monsieur James, qui étoit son compère et le parrain de sa fille. Monsieur ne manquoit pas de venir tous les jours souper avec sa commère. Après le repas, Madame Butler ordonnoit à sa fille de se retirer dans sa chambre, qui n’étoit séparée de la sienne que par une cloison de planches couvertes en papier peints ; elle prenoit le prétexte de chercher quelque chose dans la chambre de sa fille, pour examiner si elle dormoit ; elle retournoit ensuite auprès de son compère ; elle jasoit avec lui ; leur conversation devenoit alors si vive, si animée ; elle étoit tellement accompagnée d’exclamations divines, que Miss Butler, curieuse d’entendre leur baragouinage, auquel son jeune cœur prenoit déjà part, sans en connoître encore le véritable sens, se levoit doucement, s’approchoit sur la pointe du pied de la cloison, approchoit son oreille de la muraille plancheyée afin d’entendre plus distinctement le sujet sur lequel ils se disputoient avec tant d’ardeur ; elle enrageoit de ne rien voir et de ne pouvoir