Page:Les Soirées de Médan.djvu/143

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

grâce aux grilles qui garnissent les fenêtres, nous atteignons la crête du mur, nous sautons et nous tombons dans la campagne. À deux pas de ce mur s’ouvre l’une des portes d’Évreux. Qu’en dis-tu ?

— Je dis… je dis que je suis tout disposé à sortir ; mais comment ferons-nous pour rentrer ?

— Je n’en sais rien ; partons d’abord, nous aviserons ensuite. Lève-toi, on va servir la soupe, nous sautons sur le mur après. »

Je me lève. L’hôpital manquait d’eau, de sorte que j’en étais réduit à me débarbouiller avec de l’eau de Seltz que la sœur m’avait fait avoir. Je prends mon siphon, je vise le peintre qui crie feu, je presse la détente, la décharge lui arrive en pleine figure ; je me pose à mon tour devant lui, je reçois le jet dans la barbe, je me frotte le nez avec la mousse, je m’essuie. Nous sommes prêts, nous descendons. Le préau est désert ; nous escaladons le mur. Francis prend son élan et saute. Je suis assis à califourchon sur la crête, je jette un regard rapide autour de moi ; en bas, un fossé et de l’herbe ; à droite, une des portes de la ville ; au loin, une forêt qui moutonne et enlève ses déchirures d’or rouge sur une bande de bleu pâle. Je suis debout ; j’entends du bruit dans la cour, je saute ; nous rasons les murailles, nous sommes dans Évreux !

— Si nous mangions ?

— Adopté.

Chemin faisant, à la recherche d’un gîte, nous apercevons deux petites femmes qui tortillent des hanches ; nous les suivons et leur offrons à déjeuner ; elles refusent ; nous insistons, elles répondent non plus mollement ; nous insistons encore, elles disent oui. Nous allons chez elles, avec un pâté, des bou-