prises. Bientôt à toutes ces angoisses vinrent s’ajouter d’horribles douleurs : mal soignées et exaspérées par les prétantaines que j’avais courues, mes entrailles flambaient. Je souffris tellement que j’en vins à craindre de ne plus pouvoir supporter le voyage. Je dissimulais mes souffrances, craignant que le médecin ne me forçât à demeurer plus longtemps à l’hôpital. Je gardai le lit quelques jours ; puis, comme je sentais mes forces diminuer, je voulus me lever quand même et je descendis dans la cour. Sœur Angèle ne me parlait plus, et le soir, alors qu’elle faisait sa ronde dans les corridors et les chambrées, se détournant pour ne point voir le point de feu des pipes qui scintillait dans l’ombre, elle passait devant moi, indifférente, froide, détournant les yeux.
Une matinée, cependant, comme je me traînais dans la cour et m’affaissais sur tous les bancs, elle me vit si changé, si pâle, qu’elle ne put se défendre d’un mouvement de compassion. Le soir, après qu’elle eut terminé sa visite des dortoirs, je m’étais accoudé sur mon traversin et, les yeux grands ouverts, je regardais les traînées bleuâtres que la lune jetait par les fenêtres du couloir, quand la porte du fond s’ouvrit de nouveau, et j’aperçus, tantôt baignée de vapeurs d’argent, tantôt sombre et comme vêtue d’un crêpe noir, selon qu’elle passait devant les croisées ou devant les murs, sœur Angèle qui venait à moi. Elle souriait doucement. « Demain matin, me dit-elle, vous passerez la visite des médecins. J’ai vu Mme de Fréchêde aujourd’hui, il est probable que vous partirez dans deux ou trois jours pour Paris. » Je fais un saut dans mon lit, ma figure s’éclaire, je voudrais pouvoir sauter et chanter ; jamais je ne fus plus heu-