neur, de long en large, devant la porte. J’eus cependant le courage de ne pas m’essayer à dormir ; je me promenai comme une bête encagée, dans le préau. Je rôdais ainsi douze heures durant. Je connaissais ma prison dans ses moindres coins. Je savais les endroits où les pariétaires et la mousse poussaient, les pans de muraille qui fléchissaient en se lézardant. Le dégoût de mon corridor, de mon grabat aplati comme une galette, de mon geigneux, de mon linge pourri de crasse, m’était venu. Je vivais, isolé, ne parlant à personne, battant à coups de pieds les cailloux de la cour, errant comme une âme en peine sous les arcades badigeonnées d’ocre jaune ainsi que les salles, revenant à la grille d’entrée surmontée d’un drapeau, montant au premier où était ma couche, descendant au bas où la cuisine étincelait, mettant les éclairs de son cuivre rouge dans la nudité blafarde de la pièce. Je me rongeais les poings d’impatience, regardant, à certaines heures, les allées et venues des civils et des soldats mêlés, passant et repassant à tous les étages, emplissant les galeries de leur marche lente.
Je n’avais plus la force de me soustraire aux poursuites des sœurs, qui nous rabattaient le dimanche dans la chapelle. Je devenais monomane ; une idée fixe me hantait : fuir au plus vite cette lamentable geôle. Avec cela, des ennuis d’argent m’opprimaient. Ma mère m’avait adressé cent francs à Dunkerque, où je devais me trouver, paraît-il. Cet argent ne revenait point. Je vis le moment où je n’aurais plus un sou pour acheter du tabac ou du papier.
En attendant, les jours se suivaient. Les de Préchêde semblaient m’avoir oublié et j’attribuais leur silence à mes escapades, qu’ils avaient sans doute ap-