LA SAIGNÉE
I
Dix heures du matin, un jour de la fin d’octobre, à Paris, pendant le siège. La veille, on s’est battu avec acharnement, là-bas, du côté de Saint-Denis, dans la boue. Les nouvelles sont mauvaises, les dépêches télégraphiques obscures, et dans les affiches blanches que vient de faire poser le gouvernement, on sent je ne sais quelle indécision, je ne sais quels mensonges. Les phrases sont confuses, ne disent rien. Sous l’apparente confiance des proclamations, on devine l’aveu involontaire d’un insuccès, la confession d’un désastre. Dans le brouillard, sous les crêpes mous d’un ciel en deuil, les marchands de journaux, comme de coutume, sont passés, criant les escarmouches, annonçant les rencontres, et leurs voix montent sinistrement le long des maisons noyées de brume. Encore une reculade, encore une défaite. Des canons sans gargousses, des renforts qui ne viennent pas, des avant-postes qu’on abandonne, des positions qu’on s’étonne d’avoir emportées et qu’on n’a pas