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Page:Les Soirées de Médan.djvu/176

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Ah ! c’était ainsi ! Secouée d’un continu frisson de colère, humiliée, elle mit son chapeau, avec des lenteurs calculées où le général trouvait encore des exaspérations. Ensuite, elle passa son manteau, mais ne trouvant pas la manche gauche, sans rien dire, elle s’approcha de lui, et, tout en maugréant, il dut l’aider à finir de s’habiller. Puis elle se ganta, longuement, sans se presser, avec des hochements de tête, appuyant une série de raisonnements muets et de rancunes qu’elle remuait en elle-même : le plan aigu, le complot mesquin et méchant d’une vengeance de femme. Comme elle n’arrivait pas à boutonner le gant droit, elle lui tendit la main. Dans l’ouverture de la manche, un peu de peau se montrait, d’un rose appétissant. Il la repoussait, inquiet de ce coin de nudité, détournant la tête comme devant une tentation trop forte.

— Allons, travaille, fit-elle d’un ton indifférent. Tu vois bien moi, je ne peux pas. »

Il dut se résigner à la complaisance, et un instant ses mains peinèrent, cassant leurs ongles dans le gros effort qu’elles faisaient pour accrocher les délicats boutons toujours fuyant sous la peau des boutonnières. Quand il eut fini.

— Ainsi on s’en va ? dit Mme de Pahauën. Vous me chassez ?

Il répéta :

— Je vous chasse, certainement.

— Eh bien, soit, on s’en va. Mais tu sais, mon petit, j’irai là.

Elle avait marché vers la table, et du doigt, sur une carte déployée, au milieu des teintes plates, du compliqué fouillis des hachures et des lignes figu-