Page:Les Soirées de Médan.djvu/199

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savaient rien de la splendeur de ses relations antérieures, ignoraient tout de ses excentricités et de la fantaisie de ses caprices. Pour la première fois, Mme  de Pahauën s’aperçut qu’elle vieillissait.

Autour d’elle, à la promenade, les désirs ne parlaient pas bien haut. En vain quand elle rentrait, elle interrogeait sa femme de chambre : ni lettres d’amour, ni envois de bouquets. Personne n’était venu. Ils ne venaient pas davantage les billets poétiques et parfumés dissimulant la concupiscence secrète qu’ils expriment sous des formules de politesse et sous des exagérations du sentiment. Tous les matins, son lot d’hommages lui manquait, et le soir, elle restait seule au coin de son feu maigre, sans cour d’adorateurs, sans conversations d’amis, tandis qu’au loin les canons tonnaient, et qu’elle écoutait leurs décharges qui sonnaient dans la nuit, lugubrement d’accord avec ses pensées. Rien, pas même la lettre brutale, offrant de l’argent, sèche comme un calcul et brève comme un prospectus.

La vie se faisait dure à Mme  de Pahauën. L’argent qu’elle avait emporté avec elle diminuait vite, et quand il serait épuisé, comment et où s’en procurer ? Jamais elle n’avait fait d’économies, elle n’avait de compte chez aucun banquier. Elle dut s’adresser à Mme  Worimann. Celle-ci se montra bienveillante, et tout en l’exploitant et en lui prêtant à des taux invraisemblables, profita de l’occasion pour lui donner quelques conseils.

— Pardieu, elle en avait connu d’autres, et des grandes dames encore, qui s’étaient trouvées dans des embarras aussi grands, et même plus. Eh bien ! elles s’en étaient tirées. L’important, par exemple, était de ne