Page:Les Soirées de Médan.djvu/255

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

garde-robes, saccageait le linge, fouillait les placards, volait l’argent et les bijoux. Dans une espèce de cabinet honorifiquement appelé salon jaune, parce qu’il servait à messieurs les sous-officiers, Sauvageot se livrait à des actes de vandalisme. Il avait fini par ouvrir une fenêtre sur une petite cour, et par là jetait ce que les camarades lui envoyaient, répétant sans se fatiguer : pour la noblesse !… pour le clergé ! On ne riait pas. Une musique d’enfer montait du rez-de-chaussée où l’on tapait contre la muraille pour les briser ; les moindres ustensiles de cuisine. Le toit de la maison craquait, retentissait comme si d’énergiques bâtons le châtiaient. Quand des balles frappaient la gouttière, celle-ci résonnait avec un bruit lent de gong fêlé. Une pluie d’ardoises et de gravats tombait sur les têtes dans la cour, soulevait des blasphèmes. Aucune perquisition n’ayant encore abouti, les nerfs s’agaçaient de plus en plus. Où donc pouvait s’être caché le meurtrier de Joliot ?… Avait-il décampé avec ses femmes ? — Une puanteur d’épicerie s’exhalait de la foule.

Soudain, au fond d’une chambre, une voix terrifiée cria :

— Bon ! voilà qu’on nous tire dessus.

— Comment ça ?

— Je viens d’entendre siffler une balle ; elle doit être dans le mur, là-bas.

Les camarades se fâchèrent : Bougrement rosses tout de même les gens de la place ! Quel tas de chameaux !… Malheur !

L’endroit n’étant pas bon, il s’agissait de filer. On essaya, mais la poussée du couloir barrait les portes. Les chambres étaient prisonnières.