Page:Les Soirées de Médan.djvu/300

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il y avait encore de l’enfant en elle. Elle mettait de l’amour-propre à vouloir paraître très expérimentée.

— Allez, vous n’avez rien à craindre ! je ne vous ferai aucun mal… J’ai la main très douce.

Et, tout en déroulant ses bandes avec la dextérité d’un interne d’hôpital, elle se mit à lui raconter qu’autrefois, à Plémoran, elle avait soigné la fille d’un de ses fermiers qui avait fait une chute atroce devant elle. Puis, quand tout fut prêt, elle arrêta le cheval, afin de ne pas être gênée par les trépidations de la charrette en marche.

— Là ! fit-elle. Maintenant, vous, il faut que vous vous étendiez de tout votre long sur la paille…

Gabriel essayait d’une dernière résistance.

— Il le faut ! répéta-t-elle d’un ton qui n’admettait pas de réplique. Je dois avoir toutes mes aises… Vous, vous n’avez pas besoin de voir…

Elle devenait pourtant très pâle à mesure qu’elle retirait délicatement les haillons boueux et sanglants. Mais quand la déchirure produite par la balle fut à nu, elle se pencha résolûment, et regarda de très près, une seconde bougie qu’elle venait d’allumer à la main.

À la lueur de la bougie, Gabriel, étendu, voyait en plein le visage d’Édith. Elle fronçait les sourcils. Une ride profonde, de haut en bas, lui coupait le front en deux. Et elle gardait le silence, tandis que le blessé, à qui l’air faisait éprouver une vive cuisson, tremblait de tout le corps avec des gémissements étouffés. Puis, gravement, sérieusement, avec la tranquille certitude d’un professeur de clinique se prononçant devant les élèves à la visite du matin :

— Rien à craindre, mon ami !… Ce ne sera rien… Gabriel éprouvait maintenant un bien-être. Sur sa