Page:Les Soirées de Médan.djvu/301

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blessure, la douceur de ces bandes de vieille toile souple, enduites de cérat, qu’elle achevait de lui appliquer légèrement. Et elle l’avait appelé son ami !

— Merci… Merci… balbutiait-il, suffoqué de reconnaissance.

Il était agenouillé devant elle, sur la paille. Il eût voulu prononcer des phrases, des mots ; mais rien ne sortait que ces « merci ». Alors, il eut la ressource des larmes. Il pleura longtemps, prosterné devant Édith. Et il se trouvait soulagé de pleurer. En même temps que cette pluie chaude jaillissait de ses yeux et lui baignait le visage, quelque chose de tiède aussi, d’extraordinairement doux, se répandait en lui, l’inondait d’une félicité inconnue. Et elle, à côté de lui sur la paille, le laissait pleurer, tout en remarquant qu’il avait de beaux yeux, expressifs. Pour la première fois, elle le regardait avec attention, détaillant ses traits à la lueur de la lanterne. « C’est presque un enfant, pensait-elle ; il est vraiment tout jeune, plus jeune que je ne le croyais. » Et, presque aussitôt, toujours à elle-même : « Ses cheveux noirs coupés court sont admirablement plantés… Tiens ! de belles lèvres rouges, fraîches !… » Tout à coup, au milieu de la satisfaction de ces découvertes, le front de la jeune femme s’assombrit. Un regard aigu fouillant au fond de son passé ! une comparaison rapide ! et l’amertume de se dire : « Jamais un homme comme celui-ci ne m’a tenu dans ses bras. » Alors, elle se souvint qu’elle retournait s’enterrer à Plémoran, pour toujours ; et elle s’aperçut que le cheval était encore arrêté au milieu de la route.

Édith reprit les guides, fit repartir le cheval. Puis elle accepta l’offre de Gabriel qui voulait conduire à