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Page:Les Soirées de Médan.djvu/38

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L’ATTAQUE DU MOULIN

avec soin, elle revint s’asseoir sur son lit. Elle y resta une heure, profondément absorbée. Puis elle écouta de nouveau : la maison n’avait plus un souffle. Elle retourna à la fenêtre, jeta un coup d’œil ; mais sans doute une des cornes de la lune qui apparaissait encore derrière les arbres, lui parut gênante, car elle se remit à attendre. Enfin, l’heure lui sembla venue. La nuit était toute noire, elle n’apercevait plus la sentinelle en face, la campagne s’étalait comme une mare d’encre. Elle tendit l’oreille un instant et se décida. Il y avait là, passant près de la fenêtre, une échelle de fer, des barres scellées dans le mur, qui montait de la roue au grenier, et qui servait autrefois aux meuniers pour visiter certains rouages ; puis, le mécanisme avait été modifié, depuis longtemps l’échelle disparaissait sous les lierres épais qui couvraient ce côté du moulin.

Françoise, bravement, enjamba la balustrade de sa fenêtre, saisit une des barres de fer et se trouva dans le vide. Elle commença à descendre. Ses jupons l’embarrassaient beaucoup. Brusquement, une pierre se détacha de la muraille et tomba dans la Morelle avec un rejaillissement sonore. Elle s’était arrêtée, glacée d’un frisson. Mais elle comprit que la chute d’eau, de son ronflement continu, couvrait à distance tous les bruits qu’elle pouvait faire, et elle descendit alors plus hardiment, tâtant le lierre du pied, s’assurant des échelons. Lorsqu’elle fut à la hauteur de la chambre qui servait de prison à Dominique, elle s’arrêta. Une difficulté imprévue faillit lui faire perdre tout son courage : la fenêtre de la pièce du bas n’était pas régulièrement percée au-dessous de la fenêtre de sa chambre, elle s’écartait de l’échelle, et lors-