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Page:Les Soirées de Médan.djvu/39

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LES SOIRÉES DE MÉDAN

qu’elle allongea la main, elle ne rencontra que la muraille. Lui faudrait-il donc remonter, sans pousser son projet jusqu’au bout ? Ses bras se lassaient, le murmure de la Morelle, au-dessous d’elle, commençait à lui donner des vertiges. Alors, elle arracha du mur de petits fragments de plâtre et les lança dans la fenêtre de Dominique. Il n’entendait pas, peut-être dormait-il. Elle émietta encore la muraille, elle s’écorchait les doigts. Et elle était à bout de force, elle se sentait tomber à la renverse, lorsque Dominique ouvrit enfin doucement.

— C’est moi, murmura-t-elle. Prends-moi vite, je tombe.

C’était la première fois qu’elle le tutoyait. Il la saisit, en se penchant, et l’apporta dans la chambre. Là, elle eut une crise de larmes, étouffant ses sanglots, pour qu’on ne l’entendît pas. Puis, par un effort suprême, elle se calma.

— Vous êtes gardé ? demanda-t-elle à voix basse.

Dominique, encore stupéfait de la voir ainsi, fit un simple signe, en montrant sa porte. De l’autre côté, on entendait un ronflement ; la sentinelle, cédant au sommeil, avait dû se coucher par terre, contre la porte, en se disant que, de cette façon, le prisonnier ne pouvait bouger.

— Il faut fuir, reprit-elle vivement. Je suis venue pour vous supplier de fuir et pour vous dire adieu.

Mais lui ne paraissait pas l’entendre. Il répétait :

— Comment, c’est vous, c’est vous… Oh ! que vous m’avez fait peur ! Vous pouviez vous tuer.

Il lui prit les mains, il les baisa.

— Que je vous aime, Françoise !… Vous êtes aussi courageuse que bonne. Je n’avais qu’une crainte,