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Page:Les Soirées de Médan.djvu/40

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L’ATTAQUE DU MOULIN

c’était de mourir sans vous avoir revue… Mais vous êtes là, et maintenant ils peuvent me fusiller. Quand j’aurai passé un quart d’heure avec vous, je serai prêt.

Peu à peu, il l’avait attirée à lui, et elle appuyait sa tête sur son épaule. Le danger les rapprochait. Ils oubliaient tout dans cette étreinte.

— Ah ! Françoise, reprit Dominique d’une voix caressante, c’est aujourd’hui la Saint-Louis, le jour si longtemps attendu de notre mariage. Rien n’a pu nous séparer, puisque nous voilà tous les deux seuls, fidèles au rendez-vous… N’est-ce pas ? c’est à cette heure le matin des noces.

— Oui, oui, répéta-t-elle, le matin des noces.

Ils échangèrent un baiser en frissonnant. Mais, tout d’un coup, elle se dégagea, la terrible réalité se dressait devant elle.

— Il faut fuir, il faut fuir, bégaya-t-elle. Ne perdons pas une minute.

Et comme il tendait les bras dans l’ombre pour la reprendre, elle le tutoya de nouveau :

— Oh ! je t’en prie, écoute-moi… Si tu meurs, je mourrai. Dans une heure, il fera jour. Je veux que tu partes tout de suite.

Alors, rapidement, elle expliqua son plan. L’échelle de fer descendait jusqu’à la roue ; là, il pourrait s’aider des palettes et entrer dans la barque qui se trouvait dans un enfoncement. Il lui serait facile ensuite de gagner l’autre bord de la rivière et de s’échapper.

— Mais il doit y avoir des sentinelles ? dit-il.

— Une seule, en face, au pied du premier saule.

— Et si elle m’aperçoit, si elle veut crier ?

Françoise frissonna. Elle lui mit dans la main un couteau qu’elle avait descendu. Il y eut un silence.