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Page:Les Soirées de Paris, numéro 19, 1913.djvu/24

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cuir jaune, qu’elle allait poser dehors sur les autres colis.

Elle ouvrit la porte de la maison et le petit jardin bien fidèle revint du fond de l’Éternité et l’Éternité bien fidèle refléta l’image exacte de sa pensée, dans le petit jardin qu’elle aimait.

La jeune fille s’arrêta alors au bord de la maison et des fleurs poussèrent tout de suite sur les plates-bandes des allées : des capucines et quelques tulipes pâles.

Une petite pluie très fine tombait sur la pelouse verte et des souvenirs ! et des souvenirs ! montaient dans l’âme de la jeune fille. « C’était là, cette année, qu’elle avait vu le Printemps venir. Le Printemps un peu fou, qui avait couvert l’herbe de pâquerettes, la terre d’iris, le mur d’églantines et de ce jasmin qui restait encore. C’était là qu’elle avait lu, par des journées d’or pâle : Shakespeare, qu’elle aimait tant ! Balzac et son premier Zola. C’était là qu’elle avait vu tous ces crépuscules, comme de grandes ailes d’ange, ourlées d’ombre bleue, venir frôler la terre avant d’aller au ciel. Et c’était fini, tout ça !

Pourquoi ? Parce que l’Été était venu, un vilain été pluvieux qui avait noyé toutes les petites fleurs du Printemps… toutes les petites fleurs ! Puis, tout d’un coup, elle songea que la campagne l’attendait, une campagne si douce ! où Il était depuis un mois déjà. Alors, elle fut heureuse ! Le jardin lui sembla rempli de soleil ! Elle sortit d’ans la rue… et le Vide se reforma derrière elle.

Le fils, quand il eut fermé tous les volets, sortit brusquement de la maison ; regarda le jardin, insignifiant pour lui, dans son gris-vert, monotone, puis ses yeux allant bien plus loin, il vit la mer, la plage, le tennis dont il avait déchiré et réparé à ses frais, le filet l’année