Page:Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589.djvu/11

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Les cruels ennemis de ma triste pensee,
Et les attraits qui l'ont heureusement blessee
De contraires efforts s'agittent dedans moy :
Le desespoir me pousse a oublier ma flame,
Et vos perfections r'allument en mon ame,
Les gracieux effets d'une amoureuse loy.

Quand un jour favorable en ma peine fascheuse
M'asseure que vos yeux vous promettent piteuse,
Et qu'ingrate n'aurez mon service à mespris,
Un gelante peur dedans mes os se verse,
Qui cruelle en un coup tout mon bon-heur renverse
Achevant de meurtrir mes perissans esprits.

Mais quoy qu'en tel tourment ma gesne se renforce,
Et qu'amour exerçant sa bourrelant force
Sur mes os, montre en moy son plus cruel pouvoir,
Si seray-je fidele, & ma perseverance
Destournant mon ennuy plain de belle constance,
Je vous feray congnoistre une fois mon devoir.*

Quoy que cent traits mortels d'une horreur effroyable
Tourmentent en mon sang, ma vie miserable,
Que je n'ose esperer en ma fidelité,
Votre sage vertu dans mon cœur imprimee
Y sera sans changer saintement engravee,
Autant que dans le Ciel sera l'eternité.

Et quand nous ne voudriez en une amour commune,
Passer avecque moy nostre heureuse fortune,
Si est-ce que j'aurois du bien en mon soucy :
Car ce m'est beaucoup d'heur, que le Ciel ne permette