Page:Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589.djvu/12

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De vous oser aymer, & que hardy je mette
En un si beau sujet, ce que j'espere icy.

Mais si le Ciel benin à mes desseins propices,
Fait que vous receviez une fois mon service,
Vous touchant du soucy que me faites sentir :
Je me veux perdre en vous, & en mon heur extresme
Vous tesmoigner l'ardeur dont mon ame vous aime
La laissant en vos mains pour y vivre & mourir.

Si donc quelque pitié vous a jamais saisie,
Et si ne puis heureux m'asseurer de ma vie,
Destinez d'un clin d’œil la suitte de mon sort :
Car comme vous voudrez, que je vive ou je meure,
Que mes momens soyent ans, & tout mon temps une heure,
J'auray pour agreable & la vie & la mort.


VII.



Ce sont vos yeux cruels causes de mon dommage
Qui meurtrissent mon cœur, & qui froissant mes os
Me privent du bon-heur du coustumier repos,
Faisant de mes poulmons un inhumain carnage.

Rien que vos yeux meurtriers ne met en mon courage
Le soin melancholicq marque de mes travaux,
Que l'esprit m'accablant, de mille & mille maux
Change ma passion en furieuse rage,

Vos yeux sont mon malheur, & cependant mon ame
Languissant dedans moy, ne respire autre flame
Que les heureux rayons, qu'elle en va souspirant :

Ainsi d'un beau malheur ma vie se contente,
Et n'osant esperer tandis que je lamente