Page:Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589.djvu/14

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Amour eut mis de ses graces le trait,
Tu n'eusses dit que de Rien Rien se fait,
Veu qu'un Rien cree & ma glace & ma flame.

Qu'ainsi ne soit des beaux yeux de Madame
Un rien sortant, met en braise mon cœur,
Et mon cerveau fait voguer sur l'humeur
Du froid glaçon de l'amour qui m'enflame.

Jà se meslant avec ses qualitez
Mille autres riens, par leurs diversitez,
Prennent en moy une forme seconde.

Qui alterant mon esprit & mon corps,
Dessous la loy de leurs riches accords,
Mon font changer en un amoureux monde.


XI.



J'adore vos beaux yeux & deteste l'horreur
De vostre cruauté, meurtriere de mon ame,
Et me desplaist de voir qu'une si belle Dame
Avec tant de beautez loge tant de rigueur.

Las ! s'il est destiné qu'à mon fatal malheur,
Vos yeux en mon humeur facent durer leur flame,
Permettez que ma main, mon triste cœur entame,
Pour chasser de mon sang, ma vie & ma douleur.

Ne me vaut-il pas mieux qu'une heure bien-heureuse
Termine en un moment ma vie langoureuse :
Qu'apres vous vivottant mourir cent fois le jour.

Laissez moy donc tuer : mais tuez moy vous mesme
Afin que plus constant dedans les mains que j'ayme
Je laisse ma douleur, ma vie & mon amour.


XII


Ie ne ſuis plus celuy qui reſpiroit la vie
De vos yeux, mon soleil, ie ne ſuis qu'un vain corps.
Amour qui m'a frappé de ſes traits les plus forts