Aller au contenu

Page:Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589.djvu/13

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il faut que par mes yeux je vivotte en mourant.


VIII.



De fureur, de soucy mon âme tourmentee
Sous vostre cruauté, désire contre un fer,
Caché dedans mon cœur, tresbucher en l'enfer,
Pour s'aller rafraischir en l'onde Acherontee :

Mais lors que de tel soin je la sens agitee,
Voulant dedans mon sang teindre un mortel acier,
Vos yeux tiennent ma main, & me font desirer
La vie que j'en ay heureusement succee.

Et vous qui cognoissez qu'avec toute puissance
Vous maîtrisez mon cœur, & cette belle essence,
Dont l'heureuse chaleur me fait vivre icy-bas.

Vous vous jouez de moi, & d'une bonne grace
Cruelle, vous voulez ores que je trespasse,
Et puis changeant de front vous ne le voulez pas.


IX


Mes yeux ne sont plus yeux, leur essence est changee
En ruisseaux eternels pour plorer mon malheur,
Et mon sang n'est plus sang, mais las ! cette froideur
Qui c'est presque desja de moy toute escoulee.

Ma vie n'est plus rien que cette humeur gelee,
Qui esteint mes esprits & la douce chaleur
Dont jadis je vivois s'esloignant de mon cœur
Me laissant un vain corps, de moy s'est envolee.

Las je ne fusse plus n'eust esté qu'en mon ame,
Vos yeux ont r'alumé un peu de cette flame
Dont les heureux effects me font vivre icy bas.

Et si quelque pitié ne vous touche maistresse
Pour en user sur moy, au mal-heur qui me presse
Il me faudra tomber sous l'effort du trespas.


X.



Sot Democrit, si jamais en ton ame