Page:Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589.djvu/17

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Qui fait qu’en mon mal-heur, mon malheur je desire.

Je me veux retirer de ce cruel Neptune,
Je cognoy bien la fin de ma triste fortune,
Et toutesfois forcé j’acours pour y perir.

Helas ! la cause en est si plaisante & aymable,
Que je souhaite encor estre plus miserable,
Et pouvoir adorer l’œil qui me fait mourir.


XVII.



Las je souspire en vain puis que sans esperance
Je chemine à tastons par le sentier d’amour,
Tout ainsi que celuy qui privé de ce jour
Le desirant tousjours n’en a point la presence.

Sans pois je vay levant de mon sort la balance,
Qui ne s’arreste point, mais en son quart detour
Remue incessamment, & detour & retour
Me montre la fortune, en sa vaine inconstance :

Soit ce qu’il en pourra, j’aymeray la rigueur
Du tourment agreable, où demeure mon cœur,
Qu’ores l’espoir abuse, & ores reconforte.

En l’erreur de mes yeux, je conduiray mes yeux,
En mon sort incertain, je verray si les Cieux
Guariront la fureur du mal qui me transporte.


XVIII.


Au plus creux de mon cœur je retien enfermee
La douce passion dont je vis icy bas :
Et de ces yeux divins les bien-heureux appas
Font que dedans mon sang ma vie est animee,

D’un si benin glaçon mon ame est enflammee,
De discords si plaisans je resens les debats,
Par les effets d’amour, que je ne voudrois pas
Esteindre cette guerre en mon ame frmee.

Plustost je veux tousjours renouveller en moy
L’agreable soucy de mon heureux esmoy,