Page:Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589.djvu/18

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Pour vivre ainsi constant que mon cœur le desire,

Encores crains-je, helas ! de mourir sans souffrir
La peine, & le soucy qu’il me plaist de sentir
Adorant les beautez qu’en mon ame j’admire.


XIX.


De feu, d’horreur, de mort, de peine, de ruine,
Jours, nuicts, ans, temps, momens, je me sens tourmenté,
Et sous les fers meurtriers de ma captivité,
Je vois l’amour cruel qui mon ame ruine.

Je me perds de langueur, de douleurs je me mine,
Ma vie fuit de moy par trop de cruauté,
Et de mortels desdains mon esprit agitté
Sent le dernier effort qui ma vie termine.

Vous filles de la nuit, vous fureurs eternelles,
Vous qui froissez là bas dessous vos mains cruelles,
Les esprits eschappés du monde et de leurs corps,

Chassez par vos rigueurs la rigueur de ma gesne,
Et si la peine peut se chasser par la peine,
Faites fuir de moi par ma mort mille morts.


XX

 
Perdez, froissez, tuez ceste ame vagabonde,
Qui delaissant ce jour cherche vostre manoir,
O puissances d’embas si vous avez pouvoir,
Sur les captifs d’amour qui desdaignent ce monde ?

Vous esprits qui tousjours allez faisant la ronde
A l’entour de nos cœurs, taschant nous decevoir,
Employez les secrets de tout vostre sçavoir,
Pour mettre en mon esprit une peine seconde.

Fuyez esprits fuyez, vostre mort, vostre horreur,
Ploye sous les efforts de l’aveugle fureur
Qu’excite dans le sang une rage amoureuse.

Tout vostre vain pouvoir n’a pouvoir sur l’amour,
Je veux donq’ encor voir les douceurs de ce jour,