Page:Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589.djvu/28

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Recognois ta beauté recerches-en l'essence,
Recognois le destin qui fait qu'en ta puissance,
Je vive, je trespasse en langueur nuict & jour,

Et si tu peux sçavoir combien elle m'est douce,
Combien a de pouvoir la force qui me pousse,
Tu croiras que tu dois m'aimer pour mon amour.


XXXI.


Voulez-vous voir mon cœur, ouvrez moy la poictrine,
Vous y verrez les traits de vos rares beautez,
Vous verrez en mon sang mille diversitez
Esmues par l'amour qui par vous y domine.

Vous y verrez l'ardeur de ma flame divine,
Vous verrez tout au pres mes poumons agitez,
Qui souspirent pour vous, & mille cruautez
Exciter la rigueur qui ma vie termine.

Mais las ! arrestez-vous, vous n'y pourriez rien voir,
Car la mort aussi tost ayant sur moi pouvoir
Effaceroit l'effet du desir qui m'enflame.

Regardez mes souspirs, vous y verrez mon cœur,
Vos beautez mon amour, vos rigueurs ma douleur,
Et soyez humble aux pleurs que vous offre mon ame.


XXXII.


Ha que cet œil est beau, je meurs quand je l'admire,
Ha qu'il me fait de mal, ha qu'il me fait de bien,
Hé ! que doux & amer est le foible lien,
Dont si estroitement par sa force il m'attire.

Helas ! qu'il est cruel il cause mon martyre,
Car plus il me destruit lors que plus je suis sien,
Hé ! que ses feux sont doux au monde il n'y a rien
D'agreable & de beau, que l'air que j'en respire.

Hé ! maistresse attendez, attendez ma Deesse,
Ne me cachez encor ce bel œil qui me blesse :