Page:Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589.djvu/29

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Mais quoy, vous estes fiere au reson de mes pleurs.

Vous me le destournez, & puis douce cruelle,
Me le faisant revoir d'une belle estincelle
Vous allumez en moy un million d'ardeur.


XXXIII.



Cachez moy ce bel œil : car il m'oste la vie,
Helas ! je suis perdu en perdant sa clarté
Las ! je suis consumé aux feux de sa beauté,
Helas ! en le perdant, mon ame est obscurcie.

Je ne le verray plus, & si je meurs d'envie
De le revoir encor plus j'y suis arresté,
Plus alors je voudrois m'en trouver escarté,
Plus mon ame le fait, plus elle en est ravie.

Je mourray le voyant, non je ne mourray pas,
Je mourray m'absentant de ses heureux appas,
Non feray, si feray : mais lequel doys-je faire ?

Mourir en le voyant c'est mourir sans mourir,
Mourir en le perdant, c'est en la mort languir :
Il vaut doncq' mieux servir le bel œil qui m'esclaire.


XXXIIII.



Par mille cruautez amour me tyrannise,
Et des horreurs de mort il estonne mon cœur,
De souci, de tourment, de peine, de douleur
Il m'agite, destruit, me travaille, me brise.

Ainsi qu'il prisonnier qui desire franchise
Je tasche de fuir de mes seps la rigueur,
Et par quelque malheur finissant mon malheur,
Mon ame delivrer des nœuds où elle est prise.

Je romps doncques mes seps je denoue mes noeuds,
J'estains pour tout jamais les brasiers de mes feux,
Despitant de l'amour l'insolente puissance.

Mais bandeau furieux retire toy de moy,
Qu'amour soit doux ou fier si tiendray-je ma foy,