Page:Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589.djvu/34

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Tel plustost je mourray & constant periray,
Avant que de changer, car tant que je seray
J'aimeray saintement la perle que j'adore.


ELEGIE. I.



Faut-il qu'incessamment passionné je traine
Les rigoureux liens de l'amour qui me gesne,
Et que sans esperer de me voir en repos
Je loge le soucy pour tousjours en mes os,
Que lamentant en vain mon malheur je souspire,
Sans pouvoir m'aleger en mon cruel martire,
Faut-il, helas ! faut-il, qu'avecques tant d'ennuis
Je passe en mes regrets mes malheureuses nuicts,
Et que sous la clarté que le Soleil nous donne,
Je souffre le tourment qui tousjours me poinçonne,
Sans pouvoir une fois sous un meilleur destin
Sentir de tant de maux une agreable fin,
Sans que madame m'aime et qu'une douce flame
L'esmouvant à pitié attise dans son ame
Un amoureux brasier, qui par quelques souspirs
S'egalle aux doux effetcs de mes chastes desirs.
Non non, il ne faut point qu'en tel espoir je vive,
Il faut qu'en mon mal-heur ma fortune me suive,
Pour me tyranniser & loger en mon flanc
Mille traicts inhumains qui respandront mon sang,
Affin que dedans moy sa source estant faillie
Se finisse en un coup mes amours & ma vie.
Car j'ai trop entrepris d'aimer en si haut lieu,
Une beauté divine appartient à un Dieu,
Et non à un mortel, dont la foible pensee
Ne doit s'imaginer une si belle Idee.
Mais quoy las ! faudroit-il qu'un si divin pourtraict