Page:Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589.djvu/35

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Pour n'y renaistre plus de mon cœur fut distrait,
Et que de feux divins qui mon ame ont atteinte
La douceur pour jamais de mon cœur fut esteinte :
Ha feux qui nourrissez vos flames en l'humeur
Qui m'entretient icy ne partez de mon cœur,
Bruslez moy, bruslez moy d'une ardeur eternelle,
Pour les chastes beautez d'une dame si belle,
Tant que la pasle mort lors qu'il en sera temps
Par un juste destin face finir mes ans,
Et puis quand de ce corps je laisseray la cendre,
Eschappant de mon sang allez soudain vous rendre
Autour de mon esprit, y allumant tousjours
Les plus heureux brasiers de mes chastes amours.


ELEGIE.


II.

Dans quel antre escarté m'iray-je retirer,
Dedans quelle forest iray je souspirer,
En quel lointain desert assez grand pour ma plainte,
Pleureray-je le mal dont mon ame est atteinte ?
Ou pourray-je fuir pour eschaper l’erreur
Du tourment importun qui agitte mon cœur ?
Tout m'est contraire helas ! rien ne m'est favorable,
Tout conjure mon mal, tout veut que miserable,
Ennuyé, deslaissé, j'espouve mal-heureux
La cruelle rigueur de mon sort rigoureux.
Encor si je pouvois en mon mal-heur extresme,
Pour tromper mes travaux pardonner à moy mesme,
J'aurois contentement, & ne sentirois pas
Sans pouvoir defaillir les accez du trespas,
Car errant vagabond pour trouver quelque crotte
Ou je destourne un peu le mal qui me transporte,