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Comblee de mal-heur.


XXXVIII.



Mon esprit occupé de trop de passion
S'eslongne de mon sang & vers vous se retire,
Qui fait qu'en ma douleur ores que je souspire
Je ne puis expliquer ma juste affection.

Voulant monstrer l'effect de la devotion
Que j'ay au beau sujet que bien-heureux j'admire
Delaissé de mon ame, helas ! presque j'expire
Dessous la cruauté de mon affliction.

Helas ! vous qui tenez les liens de ma vie
Si vous l'aimez en moy souffrez que je supplie
Que j'en puisse jouyr vous estant serviteur.

Je ne demande point que libre elle vous laisse,
Mais que me permettant vous tenir pour maistresse
Vous la gardiez en vous la prestant à mon mon cœur.


Affin de vous monstrer que je vous suis fidele,
Et qu'eternellement je vous garde en mon cœur,
Je tire ces souspors tesmoins en ma douleur
Que je vous suis tres-humble, & vous m'estes cruelle.


XXXIX.


Affligé par l'ennuy qui tourmente ma vie
Je me plains du travail qui ruine mon coeur,
Et sans pouvoir trouver relasche en ma douleur,
Sous mon injuste sort ma force est affoiblie.

Mon ame en mon regret est presque defaillie,
Et mon sang peu à peu s'exale par mon pleur,
Tandis que je languis dessous l'heureux mal-heur
Qui fait que je benis la mort que j'ay choisie.

Ha ! j'exprire desja, & les derniers souspirs
De mes poumons lassez avecques les Zephirs
S'envolant doucement, mon esprit m'abandonne.