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Page:Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589.djvu/44

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Ainsi je meurs heureux & revifs pour mourir :
Car l’œil qui m'a frappé me vient soudain guarir,
En m'ostant une vie, une autre il me redonne.

XL.


De mes humbles souspirs je benis l'abondance,
Et de mes tristes yeux j'advoüe le devoir,
Je veux que ce qui tient en moy quelque pouvoir,
Tesmoigne la douleur du doux mal qui meslance.

Je me veux bien-heureux perdre en la souvenance
De mes chastes desirs, & jamais ne me voir
Libre de mes passions, mais à tousjours avoir
D'amour les traicts cruels en mon cœur sans defence.

La peine que me donne un mal si aggreable,
Me rendant or' constant & ores miserable
Fait que dedans mon feu il me plaist de perir.

Que j'y trespasse donc, las non ! mais que mon ame
S'esteinde & puis s'allume aux rayons de ma flame,
Car j'y veux vivre encore pour encor y mourir.


XLI.


Las ! vous m'estes cruelle, & si ne l'estes pas,
Las ! vous me desdaignez, & si m'estes piteuse :
Ainsi par deux moyens mon ame langoureuse
Trouve la vie en vous, & en vous le trespas.

De contraires effects les eternels debats
M'agittent és tourmens de ma peine ennuyeuse,
Et d'un mesme sujet ma fortune douteuse
Me tallonne en bon heur, & malheur pas à pas.

Ha ! que mon cœur en moy sent de fœlicité
Par les heureux effects de la diversité,
Dont vous le conduisez, sous vostre obeissance.

Poursuivez de la sorte, & pour me rendre heureux
Sous le voile discret d'un amour rigoureux,
Aimez moy pour loyer de ma perseverance.