Page:Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589.djvu/72

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Une humeur, un esprit, une grace, un tourment,
Une aise, une fureur, un plaisir, une peine,
Qui en me contentant, doux-aigrement me gesne,
Selon le doux effait duquel vous balancez.
Affin de l'esprouver, mon cœur, que vous avez,
Qui tient de vous la vie & qui l'en a tenue,
En fait que je tiendray ma vie par ma veuë,
Ainsi est mon espoir par fois desesperé
J'ay en vous honorant diversement erré,
Et ayant eu ce bien de vous dire en partie
Les plus secrets desirs dont mon ame saisie
Se consumoit pour vous, seul je me retirois
Ou plain de passion mes souspirs je tirois
Hors de mon estomac, pour vous faire paroistre
Par ces pleurs mes tesmoins, ce que je vous veux estre,
Ainsi absent de vous, vous ayant seule au cœur
Je ne recherchois rien que vous rendre l'honneur
Que je dois à vous seule, & d'un destin propice
Le temps & le moyen de vous faire service.
Voila comme en mon mal je me suis arresté
En mon contentement tant qu'un sort irrité
Voulant qu'en vous aymant je fusse miserable,
Aigrissoit les douceurs de ma vie aggreable,
En me faisant sentir, jusqu'au centre du cœur
Les iniques effaits de sa fiere rigueur :
Adonc je souspiré une douleur mortelle
Despitant les horreurs de ma peine cruelle.
Mais tout cela n'est rien, un doux contentement
Par un beau souvenir en chasse le tourment :
Ainsi en ma douleur me souvenant Madame,
Que je vous ay donné le pourtrait de ame,
Avecques mes regrets que vous avez receus