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Page:Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589.djvu/76

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Que voir venir leur mal ? j’ay donc cause de plaindre
Lors que vous absentant j’aperçoy mes malheurs.

Bien tost d’un noir manteau la terre environnee
Effacera le jour, & seul je m’en iray,
Jettant mille souspirs pleurer ma destinee
Si tost que de vos yeux la clarté je perdray.

Regrettant sans cesser de vos yeux la presence,
Je n’auray bien aucun pour me desennuyer,
Qu’en mon mal renaissant changer en autre essence,
Pour m’exhalant en pleurs en souspirs me noyer.

Esperance fuyez, car vous trompez ma vie,
Je veux sans esperer me tenir en mon mal,
Pour estre bien heureux je ne veux autre envie,
Que suyvre les erreurs de mon malheur fatal.

Courez tant que voudrez, inconstante fortune,
Je seray obstiné resolu en mes maux,
Attendant jour à jour que ma peine importune
Vienne en fin accabler mon chef sous mes travaux.

Helas ! vous qu’en mon cœur chastement engravee
J’honore sans changer de foy ni loyauté,
Si vous estes autant pitoyable qu’aimee,
Ayez quelque pitié de ma calamité.

Au moins si quelquefois l’amour vous a atteinte
Mesurez ma langueur par vostre affection,
Et oyant les soupirs de ma juste complainte,
Ayez de mon ennui quelque compassion.