Page:Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ne souffrez que le dueil soit maistre de mon ame,
Mais par quelque faveur estranger mon soucy,
Autrement en l’horreur que mon malheur me trame
Il me faudra passer au royaume obscurcy.

Ores que je ne voy qu’une porte prochaine,
Pour soulager mon cœur, souffrez que bien-heureux
Pour de vostre amitié avoir preuve certaine,
Je prenne de vos mains ce baiser amoureux.

Ne me refusez point ce qui me fera vivre,
Car loing de vos beautés je m’en resouviendray,
Ja ce doux souvenir de mon mal me delivre
Et me promet plus d’heur quand je vous reverray.


ADIEU.



Je veux seul escarté, ores dans un boccage,
Ores par les rochers souspirer mon dommage,
Et plaindre sous l'horreur du destin irrité,
Je veux aupres des eaux tristement murmurantes,
Et pres l'obscurité des grottes effroyantes,
Soulager mon esprit de soucis tourmenté.

Vous bois qui entendez le reson de ma plainte,
Vous rochers qui m'oyez quand mon ame contrainte
Sous trop de cruauté se plaint de son malheur,
Et vous eaux qui trainez en vos fuites tardives
Les regrets que j'espens dessus vos molles rives,
Soyez justes tesmoins de ma triste langueur.

Vous antres reculez ou les ombres dernieres