Aller au contenu

Page:Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589.djvu/79

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Adieu doncques beaux yeux, adieu belle lumiere,
Qui avez en mon sang allumé la premiere,
Les bien heureux brasiers de mon affection,
Mais adieu sans adieu : car il n'y aura heure
Que mon cœur avec vous en tout lieu ne demeure,
Sentant pour vos beautez la mesme passion.

Adieu deveux frisez, dont l'ordonnance belle
Me prit en mon bonheur, quand mon ame rebelle
Ne sçavoit que c'estoit des douceurs de l'amour
Que puisse-je tousjours en vos beaux rets me rendre,
Et quand la mort viendra importune me prendre,
Qu'elle me face voir en vous mon dernier jour.

Adieu petite bouche, adieu saincte propete
Du bien-heureux destin où mon bonheur s'arreste,
Adieu de ton coural le divin ornement,
Adieu tant qu'une foisheureux je vous revoye,
Et qu'entre vos discours ma destinee j'oye,
Pour sçavoir quelque jour la fin de mon tourment.

Adieu fidelle mais de moy tant desiree,
Que j'ay passionné de mille fois baisees,
Quand de vos touchemens je sentois la faveur.
Je laisse entre vos doigts ma vie langoureuse,
Tant que vous revoyant une heure bien-heureuse
Me face belles mains, encor' le mesme honneur.

Adieu tout mon bonheur, adieu tout ce que j'aime,
Adieu mon sang, mon cœur, adieu mon ame mesme,
Je vais plorer tout seul sous mon astre malin :
Mais pour mieux souspirer, je veux en vostre absence
Prier les Deitez, que changeant mon essence