Page:Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589.djvu/8

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N'avoit dedans mon sens allumé mon tison,
Jamais mon cœur captif en si belle prioson
N'avoit logé le soin au plus beau de mon ame.

Jamais aussi les yeux d'une si belle dame
N'avoyent peu arrester mon humaine raison,
Jamais je n'avois veu cette belle saison,
Qu'un souspir amoureux doucement nous enflame.

Mon cœur dormoit encor,& mon œil se moquoit
Des puissances d'Amour, & quand il le voioit,
Il bravoit la fureur de ses flesches meurtrieres :

Mais enfin aux rayons de vos divinitez
Il surprit mon esprit, & mes yeux indomptez,
Et les rendit captifs de vos belles lumieres.


III.


Je sçay bien de que le ciel en vous donnant la vie,
Ne mist en vos beautez rien qu'amour & douceur,
Je scay bien qu'aux flambeaux qui d'une belle ardeur
M'embrasent doucement, loge la courtoisie.

Mais helas ! je cognoy que mon ame asservie
Sous les cruelles loix d'un superbe vainqueur,
Qui sous le nom d'amour se cache dans mon cœur,
J'endure le tourment d'une juste furie.

Et pourtant au plus fort de mon affection,
Par trop impatien durant ma passion,
Au lieu de mon amour, ma peine je souspire.

Pardonnez-moy madame, & en prenant pitié
De mon cœur pour loyer de ma sainte amitié
En un meilleur espoir transmuez mon martire.


IIII.


Je meurs, helas ! non fay, je vis en esperance,
Helas je ne vis pas, las ! doncques je me meurs,
Je ne meurs pas aussi, mais par mille rigueurs