Page:Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589.djvu/9

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Madame fait essay de ma perseverance.

Je languis donc helas ! & ma vaine constance
Me cause en bien-aymant tant de tristes douleurs,
Et sous le bel espoir de ses douces faveurs,
Je sens d'un feu cruel l'inhumaine puissance.

Ha ! j'ayme mieux mourir que vivre en tel malheur
Non plus tost je vivray, portant dedans le cœur
L'attente d'une mort, qui termine ma peine.

Non je ne vivray pas, mais passant entre-deux
Tant que le ciel voudra qu'icy-bas je me traine
Je vivray ou mourray comme voudront ses yeux.


V.


Saintement enflamé des rayons amoureux
Dont l'éternel brasier donne essence à ma vie,
Je sens dedans mon cœur une agreable envie,
Qui me fait desirer de vivre langoureux :

Que je languisse donc & que d'un sort heureux
Leur feu dure tousjours en mon ame asservie
Sous les cruels liens dont la douceur me lie
De ce nœud qui me fait de mon mal desireux.

Pour rien je ne voudrois eviter cette peine
Que glissant dans mon sang, heureusement me gesne
Tant me sont doux les traits de vostre cruauté :

Aussi je ne voudrois vivre sans mon martyre,
Car mon contentement est lors que je souspire
Pressé de passion servant vostre beauté.


VI.


Amour qui de cent coups mon pauvre cœur entame,
Cachant dedans mes os de ses flames l'ardeur,
Me fait de vains souspirs plaindre pour la rigueur
Des yeux dont les rayons donnent vie à mon ame.