Page:Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589.djvu/82

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Et pour me soulager dessous mon sort divers,
Souffrez-moy d'arrester en vous esperance.

AUTRE ADIEU


Je ne puis sans regret vous eslongner maistresse
Je ne puis sans douleur, sans peine & sans tristesse
Absent de vos beautez, vivre sous autres Cieux,
Las doncques permettez, mon cœur, que je souspire,
Et baisant ceste main qui heureusement tire,
Par ma bouche mon aùe, & la loge en vos yeux.

Las ! ne retirez point ceste main qui me tue,
Ceste divine main qui mon ame a batue
De trop de passion, fait revivre dans moy,
Ne m'ostez point ce doigt qui d'une douce gesne
Travaille mon esprit, quand d'une foible aleine,
J'allege en le baisant mon douloureux esmoy.

Je veux ores mourir, je veux qu'ores ma vie
Tiree par la main qui dans mon cœur la lie
Eschappe de mon sang pour en vous retourner :
Mais vous ne voulez pas qu'encores je trespasse,
Ains que vif par l'effect de vostre bonne grace,
Je me sente pour vous encor passionner.

Hé bien, j'en suis content, pourveu qu'en nostre absence
Vous asseuriez tousjours de ma perserverance,
En qu'en quelque pays, contree ou nation,
Que je coure fortune, inconstance & legere
Vous croyez que ma foy, veritable & entiere,
Augmentera dans moy ma juste affection.