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LXII.



Je vi, puis que j'espere, helas ! non je me meurs,
Mais je respire encor, non, plus je ne respire,
Ce battement n'est rien que l'air qui se retire
De mes poumons qui ont souspiré mes douleurs.

Mais je me sens mouvoir, non ce sont les horreurs
Dont par mon dernier sort mon esprit se martire,
Ha ! je ne me meurs pas : car encores j'aspire
Le doux air amoureux cause de mes malheurs.

Non l'amour est perdu, rien plus que la fumee
Du feu qui me consomme encores enfermee,
En moy ja tout esteint de moy veut eschapper :

Mais je ne suis pas mort, non non, puis que ma flame
En moy mesme a changé, & mon corps & mon ame,
Je vis donq' & encor j'ay pouvoir d'esperer.


LXIII.



De mon sang exhalé toute l'humeur perie
Me laisse desseché, & l'esprit de mon cœur
Esteint par trop d'ennuy, me pousse en ma douleur
Aux extresmes effaits de la melancolie.

Ha ! presques hors de moi forcenant de furie
Tué, brisé, rompu, accablé de malheur,
J'ay soucy, j'ay despit, j'ay crainte, j'ay horreur,
De vos yeux, de mon mal, de la mort, de ma vie.

Ha ! si dans vostre cœur se trouve quelque idee
Des desirs qui vous ont en mon cœur imprimee,
Ayez pitié d'un mort qui pour vous veut mourir :

Ou pour rendre ma mort encores plus heureuse,
Avouez les soupirs qu'en ma peine amoureuse
Je tire cependant que me faites languir.