Page:Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589.djvu/85

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Je ne sçay si je faux, si ce n'estoit faillir
De me plaindre trop peu, me voyant sans mourir
Plus que tous malheureux mille fois miserable.

LX.


Si je lamente en vain pourquoy sens-je ma peine ?
Et si c'est avec fruit que n'en voy-je la fin,
Las ! Faut-il que douteux d'un plus douteux destin
Les cruelles rigueurs non coupable je traine ?

Vous qui tenez captif mon courage en la chesne
De vos perfections, rendez mon sort benin,
Faisans paix en mon cœur qui despit & mutin
Murmure dedans moy pour le mal gesne.

Ce dur eslongnement helas ! me fait douter
De vostre bon vouloir, & je me voy tanter,
De l'estrange souci qui mon ame martire.

Et puis absent de vous d'un soucy eternel,
J'ay crainte de vous perdre, aussi le ciel cruel
Fait suyvre par la peur cestuy-là qui desire.


LXI.


Je veux noyer ma vie au torrens de mes pleurs,
Je veux brusler mon cœur en l'ardeur qui m'enflame,
Et sur l'air de ma voix je veux porter mon ame,
Pour la chassant de moy terminer mes malheurs.

Par mille coups plombez tesmoins de mes douleurs
Je pousseray mon corps dessous la froide lame,
Contraignant mon esprit qui de langueur se pasme
A rechercher sa paix és ombreuses horreurs.

Ainsi en deffaillant me ruynantmoy mesme,
En devot sacrifice à la dame que j'ayme,
Humblement j'offriray la cendre qui restra.

Afin que quelque fois de mon amour esmeuë,
Elle pleure dessus & qu'elle la trans-muë
En quelque heureux daimon qui pour elle vivra.