Page:Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589.djvu/88

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Et qui par ses beaux yeux humble fiere, le tuë,
L'oste cruellement, le remet doucement,
Me l'arrache humblement, me le rend fierement,
Gouvernans mes destins d'une sorte inconnuë.

Je veux en mon ennuy fondre en larmes de feu,
Et dans mon feu glacé consumer peu à peu,
Tirant de mes poulmons par torrens mon alleine,
Je veux sans m'espargner distiler en humeur,
M'esvanouir en air, au fort de ma chaleur,
Pour n'estre n'estant point une semblance vaine.

Je veux estre un beau mort vivant entre les morts,
Mourant entre les vifs par les cruels efforts
Du sort inevitable à mes desirs contraire,
Et comme on jette au loin ceux qui sont trespassez,
Je fuiray aux desers tant que mes nerfs cassez,
Facent mourir d'un mort, par la mort la misere.

Je ne veux plus chercher au monde de pitié,
Je ne veux plus loger en mon cœur d'amitié,
Puis qu'elle cause en moi la cause de ma haine :
Si feray, la pitié encor je chercheray,
Pour en fin estre aymé, encores j'aymeray,
Possible en ce faisant j'adouciray ma peine.

Non non, je veux perir : car d'un destin heureux
Tesmoignant à jamais mon dommage amoureux,
Je vivray par ma mort, je mourray par ma vie,
Un dernier désespoir mon cœur consolera,
Et contente à la fin mon ame sortira
Des seps qui si long temps l'ont tenuë asservie.