Page:Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589.djvu/89

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Larmes toutes de sang monstreront ma douleur,
Les visibles soupirs des fragments de mon cœur,
Seront justes tesmoins du malheur que j'endure,
Mes cris remplis d'effroy petits corps deviendront,
Qui soin, mort, craint, horreur aux hommes montreront
Tant que je trameray ma cruelle avanture.

Le ciel seche mes pleurs, humecté mes soupirs,
Mes cris sont emportez sur l'aisle des zephirs,
Et je lamente en vain en ma peyne ennuyeuse,
Pourquoi par mon soucy me rends-je furieux ?
Las ! pourquoi tant de pleurs escoulent de mes yeux
Si je ne rends par eux ma fortune piteuse ?

Mes souspirs sont si doux, je lamente si bien,
Et toutes fois mes pleurs ne me profitent rien,
Car un sort envieilli s'aigrit en ma detresse,
Que je poursuive donc & d'un gentil desir,
Bravant le fier destin, je vive pour mourir,
Et meure pour encor vivre pour ma maîtresse.

Quand je serai perdu on me regrettera,
Et ce petit regret que de moy on aura,
Si possible on en a contentera mon ame,
Je vais doncq' és désers mort attendre la mort,
Me souvenant tousjours de l'agreable sort
Des effets bien heureux de ma plus chaste flame.

En fin bois & rochers où je fay ma complainte,
Lors que pressé de mal dont mon ame est atteinte,
Je me consume en pleurs, en douleurs, en souspirs.
Celez-moy, perdez moy, & dessous vos tenebres,
Amortissant le son de mes plaintes funebres,