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SOUSPIRS

Je voy l’amour cruel qui mon ame ruyne.

Je me perds de langueur, de douleurs je me mine,
Ma vie fuit de moy par trop de cruauté,
Et de mortels desdains mon esprit agité
Sent le dernier effort qui ma vie termine.

Vous filles de la nuict, vous fureurs eternelles,
Vous qui froissez là bas dessous vos mains cruelles,
Les esprits eschappez du monde & de leurs corps,

Chassez par vos rigueurs la rigueur de ma gesne
Et si la peine peut se chasser par la peine,
Faites fuir de moi par ma mort mille morts.


XX.



Perdez, froissez, tuez ceste ame vagabonde,
Qui délaissant ce jour cerche vostre manoir,
Ô puissances d’embas si vous avez pouvoir,
Sur les captifs d’amour qui desdaignent ce monde.

Vous esprits qui tousjours allez, faisant la ronde
À l’entour de nos cœurs, taschant nous decevoir,
Employez les secrets de tout vostre sçavoir,
Pour mettre en mon esprit une peine seconde.

Fuyez, esprits, fuyez, vostre mort, vostre horreur,
Ploye sous les efforts de l’aveugle fureur
Qu’excite dans le sang une rage amoureuse.

Tout vostre vain pouvoir n’a pouvoir sur l’amour
Je veux doncqu’encor voir les douceurs de ce jour,
Flattant en mon malheur ma vie malheureuse.