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AMOUREUX

Esmuës par l’amour qui par vous y domine.

Vous y verrez l’ardeur de ma flame divine,
Vous verrez tout auprez mes poulmons agitez,
Qui souspirent pour vous, & mille cruautez
Exciter la rigueur qui ma vie termine.

Mais las arrestez-vous, vous n’y pourriez rien voir,
Car la mort aussi-tost ayant sur moi pouvoir
Effaceroit l’effet du desir qui m’enflame.

Regardez mes soupirs, vous y verrez mon cœur,
Vos beautez mon amour, vos rigueurs ma douleur,
Et soyez humble aux pleurs que vous offre mon ame.


XXXII.



Ha que cet œil est beau, je meurs quand je l’admire,
Ha qu’il me fait de mal, ha qu’il me fait de bien,
Hé ! que doux & amer est le foible lien,
Dont si estroitement par sa force il m’attire.

Helas ! qu’il est cruel il cause mon martyre,
Car plus il me destruit lors que plus je suis sien,
Hé : que ses feux sont doux, au monde il n’a a rien
D’agreable & de beau, que l’air que j’en respire.

Hé ! maistresse attendez, attendez ma Deesse,
Ne me cachez encor ce bel œil qui me blesse :
Mais quoy, vous estes fiere au reson de mes pleurs.

Vous me le destournez, & puis douce cruelle,
Me le faisant revoir d’une belle estincelle
Vous allumez en moy un million d’ardeur.


XXXIII.



Cachez moy ce bel œil : car il m’oste la vie,
Helas ! je suis perdu en perdant sa clarté
Las ! je suis consumé aux feux de sa beauté,
Helas ! en le perdant, mon ame est obscurcie.

Je ne le verray plus, & si je meurs d’envie
De le revoir encor plus j’y suis arresté,