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SOUSPIRS

Au pris de sa douceur mon mal m’est gracieux,
Et ma douleur est grande autant qu’elle est cruelle.

Plein de felicité je me brusle pour elle,
Par ses chastes rayons je me transporte aux cieux,
Par sa rigueur j’en tombe & puis tout furieux,
Je consomme mon cœur d’une peine eternelle.

Par sa beauté je suis heureux infiniment,
Par sa fierté je suis blessé cruellement
Du bien heureux malheur, que pour elle je traine,

Ainsi en l’adorant je meurs pour sa beauté,
Mon heur double mon mal dessous sa cruauté,
Et ses yeux doux & fiers sont cause de ma peine.


XXX.



Mon cœur que tu es belle, hé ! te l’osay-je dire ?
Tu ne le sçais que trop, non tu ne le sçais pas,
Si tu cognoissois bien les amoureux appas
De ta douce beauté, tu plaindrois mon martire.

Ha ! que tes yeux sont beaux dont mon ame souspire
Les esprits dont je vy, qui causent mon trespas,
Que douce en est l’ardeur qui par mille debats
Oste de moy mon cœur, l’y remet, l’en retire.

Recognois ta beauté recerches-en l’essence,
Recognois le destin qui fait qu’en ta puissance,
Je vive, je trespasse en langueur nuict & jour,

Et si tu peux sçavoir combien elle m’est douce,
Combien a de pouvoir la force qui me pousse,
Tu croiras que tu dois m’aymer pour mon amour.


XXXI.



Voulez-vous voir mon cœur, ouvrez moy la poictrine,
Vous y verrez les traits de vos rares beautez,
Vous verrez en mon sang mille diversitez