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L’ABBAYE D’AINAY

arrivent à l’abbaye d’Ainay et y trouvent, dans le pré, l’abbé qui disait ses heures et qui, instruit déjà du motif de leur visite, ne leur fit pas un accueil bien gracieux. « Vous êtes bien hardi, dit-il à son neveu, de vous engager dans le tournoi projeté. Il n’y a que trois jours qu’étiez paige, et vous n’avez dix-sept à dix-huit ans, et vous dust encores donner des verges… Vous irez chercher ailleurs qui vous prêtera argent. » Bellarbre répondit à ce discours de fort mauvaises raisons qui finirent par décider l’abbé. Il donna à Bayart cent écus pour acheter deux chevaux, et il écrivit à Laurencin, son drapier, qui est qualifié, dans les écrits du temps, de bon compagnon, et qui avait alors sa boutique sur la place du Petit-Change, une lettre dans laquelle il lui disait de fournir au jeune Bayart tout ce qui lui serait nécessaire pour s’équiper.

Les termes de la lettre étaient vagues et ne limitaient rien ; les deux jeunes gens en profitèrent, « Allons vistement, disait Bellarbre, avant que votre abbé pense à ce qu’il a fait. » Ils se rendirent promptement chez Laurencin, qui, sur la lettre de l’abbé, leur délivra toutes les étoffes d’or et de soie qu’ils demandèrent. L’abbé, qui ne s’attendait à payer qu’une centaine de francs d’étoffe, fut bientôt inquiet, en pensant à l’abus que son neveu pourrait faire des expressions indéterminées de sa lettre. Il envoya sur-le-champ un domestique chez le drapier, mais il fut bien surpris d’apprendre que son neveu avait pris pour huit cents livres de fournitures. Il envoya immédiatement chez Bayart, avec l’ordre de reporter immédiatement les étoffes chez Laurencin ; mais le neveu avait consigné sa porte pour tous ceux qui viendraient de la part de son oncle.

Bayart figura dans le tournoi avec une magnificence et une distinction de gentilhomme achevé. Il y déploya tant d’adresse et de courage que les dames de Lyon, émerveillées de voir un si jeune champion triompher des plus forts et des plus expérimentés chevaliers, dirent en leur langage, qui étonnerait bien nos dames d’aujourd’hui : « Vey-vo cestou malôtru ! il a mieux fay que tous los autres. »