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SEIZIÈME AVENTURE.

sant route chacun sur son cheval (car notre poëte fait volontiers voyager ses héros comme nobles gens de guerres) ; en apparence les meilleurs amis du monde, mais au fond disposés à s’aider de la trahison dès que l’occasion s’en présentera.

Tout en chevauchant, Renart avise, au beau milieu de l’ornière qui bordoit le bois, un fort collet tendu dans une souche de chêne entr’ouverte. Comme il prenoit garde à tout, il l’esquiva ; mais l’espoir lui sourit de voir Tybert moins heureux. Il s’approche de son nouvel homme d’armes et lui jetant un ris : « Je voudrois bien, mon cher Tybert, » lui dit-il, « éprouver la force et l’agilité de votre cheval : sans doute on peut le recevoir dans les montres, mais je voudrois en être sûr. Voyez-vous cette ligne étroite qui longe le bois : élancez-vous bride abattue droit devant vous ; l’épreuve sera décisive. — Volontiers, » répond Tybert, qui soudain prend son élan et galope. Mais arrivé devant le collet, il le reconnoît à temps recule de deux pas et passe rapidement à côté. Renart le suivoit des yeux. « Ah ! Tybert, votre cheval bronche, il ne garde pas la voie. Arrêtez-vous, et recommençons ! » Tybert, qui ne doutoit plus de la trahison, ne fait pas de difficulté. Il reprend du champ, pique des deux, arrive