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RENART, TYBERT ET LE PIÉGE.

une seconde fois devant le collet, et saute une seconde fois par-dessus avec la même légèreté.

Renart comprend que sa malice est découverte ; mais sans se déconcerter : « Vraiment, Tybert, j’avois trop bien jugé de votre cheval : il vaut moins que je ne pensois ; il se cabre, il se détourne, il ne sera pas reçu par le maréchal de mon ost, et vous n’en tirerez pas un grand prix. » Tybert s’excuse du mieux qu’il peut ; mais pendant qu’il offre de faire un troisième essai, voilà deux mâtins qui accourent à toutes jambes et donnent des voix en apercevant Renart. Celui-ci, dans son trouble, oublie le collet dont il se rapproche pour se perdre dans le bois ; mais Tybert, moins effrayé, saisit l’occasion, et simulant une égale terreur, se jette sur Renart qui, pour se retenir, avance le pied gauche justement sur le collet. La clef qui tendoit le piége tombe, la large fente se referme, et c’est messire Renart qui se trouve pris. Voilà Tybert au comble de ses vœux ; car il croit être bien sûr que son compagnon ne s’en tirera pas : « Demeurez, » lui dit-il ; « demeurez, mon seigneur Renart ; ne vous inquiétez pas de moi, je saurai me réfugier en lieu sûr. Mais ne l’oubliez pas une autre fois : à trompeur, trompeur et demi ; ce n’est pas à Tybert que Renart doit se prendre. »