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VINGT-SIXIÈME AVENTURE.

chercher ensemble de quoi nous déjeuner convenablement.

— Ah ! sire, » fait Renart, « je n’oserois, à cause de messire Ysengrin, qui me voit toujours à contre-cœur. Il m’a voué, pourquoi je l’ignore, une haine mortelle, et cependant, j’en jure par mon chef, jamais je ne lui ai fait la moindre offense. Il m’accuse d’avoir honni sa femme, tandis que je n’ai, par la vertu Dieu, rien demandé de ma commère Hersent que je n’eusse pu réclamer de ma propre mère. — Je pense comme vous, Renart, » reprit le Roi ; « il n’y a rien de sérieux dans tout cela : quand même vous auriez entretenu le commerce criminel dont vous êtes soupçonné, il faudroit, pour vous condamner, quelques preuves sensibles, et l’on n’en présente pas. Terminons donc ces malentendus, je veux remettre la paix entre vous. — Puisse Dieu, sire, vous en récompenser ! car, en vérité, et par la foi que je dois à Hermeline, le droit est de mon côté.

— Voyons, Ysengrin, » reprit le Roi, « cette haine contre Renart est-elle raisonnable ? Vous êtes vraiment fou de lui imputer une vilenie et, pour moi, je suis persuadé qu’il n’a rien à se reprocher à l’égard de dame Hersent. Montrez-vous conciliant ; laissez les vieux levains de rancune. Doit-on haïr les gens pour