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TRENTE-DEUXIÈME AVENTURE.

barons et hauts seigneurs : Je vous donne à juger une question de délit amoureux. Vous aurez à décider d’abord si, pour prononcer condamnation, on peut admettre le témoignage de la personne qui eut part à la faute. » Ces mots entendus, tous se lèvent, et les plus sages vont, en sortant du pavillon royal, se former en conseil. Brichemer le cerf, comprenant la gravité de la cause, consentit à diriger la discussion. À sa droite se plaça Brun l’ours, connu par sa haine contre Renart, à sa gauche Baucent le sanglier. Saucent n’avoit pas de parti pris, il ne vouloit écouter que droit et justice. Les voilà donc réunis, assis et prêts à commencer l’instruction de l’affaire.

Brichemer ayant pris l’avis de Baucent, demanda à parler : « Seigneurs, vous avez écouté la clameur d’Ysengrin contre Renart. L’usage de notre Cour, quand on lui vient demander la répression d’une forfaiture, est d’exiger la preuve par main triple ; tel, en effet, pourrait aujourd’hui même lever une clameur, dont serait victime la bête la plus innocente. Venons au témoignage de Madame Hersent : c’est la femme épousée d’Ysengrin, elle habite avec lui, elle lui est entièrement soumise ; elle ne peut parler ou se taire, aller ou venir sans le bon plaisir de son baron ; son témoignage ne peut donc suffire, il faut en