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LA VENGEANCE DE DROUINEAU.

a été de fuir ; mais allez, je n’ai plus peur ! » Renart alléché par toutes ces petites façons, court à lui, l’autre sautille et recule encore ; il continue ce jeu, non sans danger pour lui, jusqu’à ce qu’enfin il ait regagné le buisson où Morhou l’attendoit avec impatience. « Là ! » dit-il « je ne vais pas plus loin ; c’est ici que je veux mourir, près de cet arbre qui me rappelle le cerisier où reposoient mes pauvres enfans. »

Renart, de plus en plus irrité, fait un bond sur le buisson : aussitôt voilà Morhou qui le reçoit et le saisit par le chignon ; avant qu’il ait eu le temps de se mettre en garde, il est mordu, houspillé de la meilleure façon. D’abord il échappe et fuit à toutes jambes ; Morhou le rejoint à l’entrée du bois, le renverse à terre, lui caresse de ses dents le ventre, les flancs, les oreilles, et taille dans sa pelisse une bande de plusieurs doigts de large. Jamais Renart ne vit la mort de plus près. Si Morhou finit par l’abandonner, c’est qu’il suppose, le voyant immobile et sanglant, qu’il a bien rendu le dernier soupir. Le vainqueur revient à Drouineau qui trembloit que Renart n’eût échappé tout de bon la première fois : « Eh bien, Morhou, quelles nouvelles ? — Bonnes. Renart, tu peux y compter, ne trompera jamais personne, et s’il en échappe, le diable aura fait pour lui miracle. — Merci donc, bon Mor-