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NOUVELLE ÉTUDE

leur origine, déjà bien ancienne, et sans vouloir tromper les autres, il a pu se tromper lui-même. J’ai suffisamment parlé du nom d’Ysengrin, déjà populaire en 1112 ; celui de Renart (Reginaldus) fut, comme on sait, porté par un grand nombre de personnages considérables. Laissons ici, j’en demande pardon à M. Grimm, les recherches sur le sens primitif de ces noms : surtout n’allons plus croire avec lui qu’on ait choisi celui de Renart parce qu’il est, en vieil allemand, synonyme de conseiller, celui d’Ysengrin, parce qu’il répond à peu près à barre de fer. Tout ce que j’accorderai, c’est que fréquemment porté par des hommes francs d’origine, ces noms ont une origine franque. Mais, à la place de Renart et d’Ysengrin, supposez tout autre nom déjà usité, comme Theodebert ou Tybert, Theodemer ou Tymert, Théodoric ou Thierry, Ysembert, Robert, Grimbert, Bernard, Rouard, etc. Vous trouverez dans les origines franco-germaniques la justification pour le moins aussi plausible du choix qu’on en aura fait. N’avions-nous pas en France, et depuis longtemps, sinon la couleur de l’ysengrin au moins celle de l’ysembrun, drap foncé, d’une teinte analogue à celle du gris de fer ? D’ysembrun à ysengrin[1] il n’y a pas en vérité aussi loin que de ce dernier mot à tout l’échafaudage étymologique de M. Grimm.

À la différence de ces deux noms, ceux d’Hersent et de Richeut semblent bien la propriété exclusive de notre trouvère anonyme. Les poëmes latins conservés aujourd’hui dans les grandes biblio-

  1. M. Grimm préfère l’orthographe Ysengrimus ; mais il sait que presque tous les anciens manuscrits latins portent Ysengrinus.