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RENART ET TIECELIN.

le croupion. « Mon Dieu ! » disoit Renart, « hâtez-vous donc, avancez ; que pouvez-vous craindre de moi, pauvre impotent ? » Tiecelin s’approcha davantage, mais Renart, trop impatient, s’élance et le manque, ne retenant en gage que trois ou quatre plumes. « Ah ! traitre Renart ! » dit alors Tiecelin, « je devois bien savoir que vous me tromperiez ! J’en suis pour quatre de mes plus beaux tuyaux ; mais c’est là tout ce que vous aurez, méchant et puant larron, que Dieu maudisse ! »

Renart, un peu confus, voulut se justifier. C’étoit une attaque de goutte qui l’avoit fait malgré lui sauter. Tiecelin ne l’écouta pas : « Garde le fromage, je te l’abandonne ; quant à ma peau tu ne l’auras pas. Pleure et gémis maintenant à ton aise, je ne viendrai pas à ton secours. — Eh bien va-t-en, braillard de mauvais augure, » dit Renart en reprenant son naturel ; « cela me consolera de n’avoir pu te clorre le bec. Par Dieu ! » reprit-il ensuite, « voila vraiment un excellent fromage ; je n’en ai jamais mangé de meilleur ; c’est juste le remède qu’il me falloit pour le mal de jambes. » Et, le repas achevé, il reprit lestement le chemin des bois.