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Page:Les confédérés vérolés suivis de La calotte renversée, Les enfants de sodome et Les fredaines lubriques de J.-F. Maury, 1873.djvu/44

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la calotte

tout à l’heure trois ans dix mois et un jour que je suis arrivée de mon pays ; Dieu sait dans quelle misère j’étais en arrivant. Je ne savais faire œuvre de mes dix doigts. Eh bien, je rencontre au coin d’une rue, ah ! la bonne rue ! je m’en souviendrai longtemps ! je rencontre, comme je te dis, un calotin, je lui fis chit, chit (on m’avait dit que c’était le mot du guet), il vient ; il monte chez moi. Fallait voir quel chez moi ! une sacrée paillasse à terre, quelques foutus lambeaux d’un haillon de jupe, un pot de chambre cassé et recassé, une chaise où ton chien n’aurait pas foutu son cul ; en honneur de Dieu, c’était tout mon bataclan. N’étais-je pas bien campée avec tout ça ? Eh bien ! l’homme de Dieu prend pitié de moi. Je n’ai pas la peine de lui dire que je n’ai rien, il le voit bien. Il s’attendrit ; non, je me trompe, il s’endurcit. Oui, il s’endurcit. Ça te surprend, mâtin ! Parions, bougre, que tu ne t’endurcirais pas comme ça. Il s’endurcit donc. Mais j’aime bien mieux cet endurcissement-là que tous ces attendrissements des freluquets. Allons, me dit-il, compte sur moi, ma fille, prends courage. Tel que tu me vois, je suis brave ; foutre ! ne pleure pas. Je pleurais encore dans ce temps-là. C’est l’usage des filles de province…

Tout à coup je prends du cœur à ces paroles pénétrantes. Me voilà tout aussi ferme